En 2024, la petite église romane de Bussière-Badil accueillait l’installation délicate et poétique de Bénédicte Vallet. Les tentures de porcelaine et de lin côtoyaient harmonieusement les dalles usées et les murs blanchis. Les assemblages énigmatiques semblaient se mouvoir sous la lumière colorée des vitraux. Sans transition aucune, cette édition fait place à l’humour, à l’étrange et à la liberté du geste et donne carte blanche à Jean-Raymond Meunier et à sa grande et étonnante famille.
Né en 1957 à Commercy, Jean-Raymond Meunier est un artiste autodidacte qui, depuis plus de trente ans, façonne un univers unique et profondément ancré dans l’art singulier. Installé en Ardèche, où il puise son inspiration, il mêle céramique, bois, tôle, ferraille et peinture dans des oeuvres qui oscillent entre poésie et humour, entre quotidien et absurdité.
Les mains dans la terre ou tenant son pinceau, le geste de Jean-Raymond Meunier est intuitif et spontané. Une vieille boîte rouillée se transforme en véhicule dégingandé sur lequel il assemble une petite troupe de curieux personnages et nous voilà en train d’imaginer un bus à deux étages rempli de touristes hagards. Assis sur un banc, les pieds nus aux orteils recroquevillés, les doigts crispés sur un sac à main ou un journal, un autre groupe attend. Ils sont seuls, mais ensemble, comme nous pouvons l’être dans la routine du métro.
Ses sculptures, souvent conçues comme des saynètes, capturent des instants de vie avec une tendresse teintée de dérision. On y découvre des groupes d’humains agglutinés, démesurément longilignes, vacillant sur leurs longues jambes frêles, toujours en mouvement, toujours dans leur monde. Ces personnages, à la fois drôles et mélancoliques, incarnent l’instabilité et l’équilibre fragile de la vie. Avec leur charme désuet, leur poésie un peu gauche et leur dimension intemporelle, ils rappellent l’univers graphique de Claire Bretécher ou encore l’ambiance fantasque des Triplettes de Belleville.
Les pieds nus, le dos voûté, une toute petite tête enfoncée dans les épaules au sommet d’un corps filiforme, les personnages de Jean-Raymond Meunier semblent porter le poids d’un monde oppressant.
Même les chiens ont la langue pendante, le regard vague et les membres tordus… Témoignent-ils d’un malêtre existentiel, bien légitime dans le monde fou dans lequel nous vivons ? Derrière les exagérations anatomiques et les personnages singuliers se cache une profonde réflexion sur la société et la condition humaine : « Je les croque avec humour, avec exagération mais surtout avec tendresse et beaucoup d’amour », dit l’artiste à propos de ses personnages.
L’oeuvre de Jean-Raymond Meunier se nourrit de thèmes universels : l’amour, le travail, la solitude… Avec intelligence et sensibilité, il nous invite à poser un regard neuf sur ces sujets du quotidien, qu’il transcende par son esprit libre et son humour décalé, sans concession pour la nature humaine.